Dans les bureaux du département de recherche et développement de Volvo, en 1970, un ingénieur du nom de Arne Åsberg est sollicité un matin par le chef de projet chargé de répondre au projet ESV, à qui il formule la demande d'un budget de 35 millions de couronnes suédoises. Ce dernier, au sortir du conseil d'administration de l'après-midi même, annonce à Åsberg que le budget est accepté et que le projet peut démarrer. Mais, malgré un budget conséquent, Volvo ne répondra pas à l'ESV par un concept officiel, probablement pour éviter de payer une participation substantielle au projet américain. Peut-être Volvo considère également que son expérience dans le domaine de la sécurité est suffisamment avancée et que leur participation au programme ESV ne leur apporterait pas autant qu'ils en retireraient. Et en effet, par un heureux concours de circonstances, il est probable que ce soit Volvo qui ait tiré le plus grand bénéfice du programme ESV, plus qu'ils ne l'auraient jamais imaginé.
Volvo présente sa réponse aux préoccupations sécuritaires des USA en mars 1972 au salon de Genève sous les traits du VESC (Volvo Experimental Safety Car), avant le congrès ESV prévu quelques mois plus tard. 552 cm de longueur, caméra de recul, freins pourvus d'un système anti-blocage, airbags, pare-choc télescopiques, le VESC ouvre la voie pour les décennies à venir. Le VESC portera également le design de la future 240 qui sera dévoilé en aout 1974. Le projet VESC produit plusieurs véhicules (au moins trois), aura couté 35 millions de couronnes suédoises et reprend les caisses du projet P1560, un projet à motorisation V8 150 ch destiné à remplacer de la 140 mais finalement jugé trop peu économique en carburant.
Volvo n'attendra d'ailleurs pas la 240 pour appliquer en série plusieurs solutions sécuritaires : les poignées de porte affleurantes et le voyant d'oubli de bouclage de la ceinture apparaitront sur la 140 de 1972, les barres de renfort dans les portières, le volant avec grand pad central et le réservoir avancé en 1973, ainsi que les pare-choc télescopiques pour l'ultime version de la 144 en 1974.
La liste des propositions portées par ce projet est impressionnante :
- pare-choc télescopiques, pour répondre à la norme US en préparation à l'époque, pouvant absorber sans dommage pour la carrosserie un impact à 16 km/h ; ces pare-chocs sont issus des résultats d'analyse des accidents en situation réelle menés par Volvo depuis de nombreuses années
- zone d'absorption avant très longue (ce qui explique la longueur du véhicule) pour encaisser un choc à 80 km/h sans dommage mortel pour les passagers
- renfort de pavillon au-dessus du montant central (B) afin de résister à une chute sur le pavillon d'une hauteur de 2,40 m
- freins ABS fournis par ATE
- ceintures auto-rétractables et qui se présentent à l'occupant qui s'assoit (type semi-passif, développé en collaboration avec Autoliv)
- airbags avant et arrière
- appuie-tête à sortie automatique pour protéger le cou des occupants avant
- alarme sonore de recul
- lumières de signalisation dans les feuillures de portes
- caméra de recul (fournie par Mitsubishi, issues des caméras des bus scolaires japonais) avec écran de contrôle au milieu de la planche de bord
- contrôle de la hauteur de caisse
- essuie et lave-phares
- essuie-glace escamotés en position de repos
- poignées de portes affleurantes
- réservoir de carburant monté en position "centrale"
- appuie-tête passifs à l'arrière et actifs à l'avant
- colonne de direction auto-rétractable de 150 mm en cas de choc
- travers arrière de support du moteur conçue pour guider le moteur sous la caisse en cas de choc avant
- essuie-glace de lunette arrière
- coupure de l'alimentation de carburant en cas de collision
- alarme sonore de recul
Accessoirement, le concept était motorisé par un moteur B20 répondant aux normes environnementales américaines de 1974, par adjonction d'un système d'EGR et catalyseur passif, précurseur du système de catalyseur actif avec sonde lambda.
Les commentaires de la presse ne sont pas tendres et soulignent notamment le cout prohibitif des solutions proposées par Volvo.
Trois mois plus tard, l'ESV organise aux USA une grande exposition où les constructeurs présentent leur concept en réponse au cahier des charges ESV. Comme Volvo n'a pas payé son tribut à l'ESV, le VESC ne peut être considéré comme un véhicule ESV officiel. Il est alors installé en sortie de l'exposition, dans une zone légèrement cachée. Mais il s'est avéré que, pour une raison ignorée, les visiteurs de l'exposition rentrent par la sortie, et par conséquent voient le VESC en premier ! Le concept car orange et noir marque immédiatement les esprits dans la profession, et au-delà au travers des articles de presse. Dès lors, Volvo et son VESC profiteront d'une grande notoriété, dont ils sauront profiter pour la future 240, et en particulier en ce qui concerne le design, toujours en gestation à Göteborg.
Les différents exemplaires de VESC rouleront de longues distances sur les pistes de Hällered, le centre d'essais de Volvo inauguré en mai 1973, pour tester notamment la suspension avant qui préfigure celle de la 240. Il y eut plusieurs modifications des prototypes VESC, remarquables sur les photos par des détails (jantes, emblèmes, rétroviseurs, écran au tableau de bord).
On remarque sur les photos que le pli en bordure des ailes ne sera pas appliqué à la 240 qui reprend les détails de la 140, mais en revanche il sera appliqué sur la 760 !